23 août 2010

Des mots pour faire face




Des livres qui parlent de la déportation, des camps, du retour, j'en ai lu, qui m'ont marquée. L'écriture ou la vie, de J. Semprun, pour commencer. J'ai pleuré.
Cela dit, celui-ci à une place toute spéciale pour moi, et ce par sa quête de la retranscription du ressenti au plus près, dans le malheur comme dans le "bonheur", dans l'imaginaire comme dans le non-sens du réel le plus cru. C'est Etre sans destin, d'Imre Kertesz. Et l'on comprend dès les premières pages pourquoi cet écrivain est prix nobel de littérature.


Les scènes qu'il dépeint, on les a ancrées en nous quand on referme le livre. Par exemple celle où il essaie d'imaginer comment des hommes réunis ont pu concevoir les camps...


"Ils s'étaient réunis, ils avaient très vraissemblablement rapproché leurs têtes, dirais-je, même si ce n'étaient pas des écoliers, naturellement, mais des hommes d'âge mur, des adultes, et peut-être même très certainement, à bien y penser, des messieurs en costumes chic, avec des cigares, des décorations, sûrement rien que des chefs qu'on ne peut pas déranger à ce moment là: voilà comment je me les imaginais. L'un d'eux tombe sur l'idée du gaz. Dans la foulée, un autre trouve la douche,..."


Ou une autre, celle où il sent qu'il arrête de se battre, qu'il sombre dans la mort peu à peu, qu'il ne peut plus lutter...


"J'étais ébahi par la vitesse, l'allure effrénée avec laquelle, jour après jour, diminuaient, mouraient, fondaient et disparaissaient la matière qui recouvrait mes os, l'élasticité, la chair. Chaque jour, j'étais surpris par une nouveauté, une nouvelle difformité sur cette chose de plus en plus étrange et étrangère qui avait jadis été un bon ami: mon corps. Je ne pouvais le regarder sans une impression de désespoir, une sorte d'horreur. C'est pourquoi au bout d'un certain temps, je cessai de me déshabiller pour me laver..."


et je pourrais multiplier ces scènes, ces instants, toujours au plus près d'une quête de précision, de sincérité, de droiture, de finesse.


Pour toutes ses raisons, un livre à lire absolumment.


Pour garder en l'esprit ce que l'homme est capable de faire, mais aussi pour porter en nous le vécu de ces hommes qui lentement nous quittent.

Merci à Jean-Pierre pour avoir mis ce texte dans la pile de romans de mes 30 ans!

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